Dans l'intimité de Patrick Volpes, maître artisan santonnier à Champtercier (Digne-les-Bains)
En ce mois de décembre, parcourir les allées féériques des plus beaux marchés de Noël de Belgique, d’Alsace ou d’Allemagne reste certainement un des plaisirs d’hiver incontournables pour nombre d’entre nous.
De fait, les villes de Liège, Bruxelles, Bruges, Gand, Strasbourg ou encore Cologne nous attendent, avec le plein d’idées de cadeaux, du vin chaud et … des santons de Provence.
Oui, nul doute que ces miniatures ont déjà croisé ou croiseront encore votre chemin ! Mais très franchement, savez-vous ce que ces petits personnages ont de si particulier ?
Avant ma rencontre avec Patrick Volpes, Marseillais d’origine et maître santonnier à Digne-les-Bains, je n’en savais rien ou presque. Pourtant, ces miniatures d’argile représentent de merveilleux symboles ; elles sont aussi les gardiennes d’histoires personnelles aussi précieuses qu’émouvantes.
Je vous invite donc aujourd’hui à plonger avec moi dans l’intimité d'un santonnier de Provence.
Vous venez avec moi ?
Nous sommes sur les hauteurs de Digne-les-Bains, dans un joli petit village qui exhale l'authenticité. C'est dans l'ancienne école du village que Patrick Volpes nous accueille avec chaleur. Dans sa boutique-atelier qui joue également les petits musées, l'atmosphère est incontestablement bohème.
Dès les premières minutes de notre entretien, le plaisir de l'artiste à transmettre ses connaissances transparaît. Par moments, on dirait qu'il retient son enthousiasme mais, "Chassez le naturel, il revient au galop", sa passion pour son métier déborde. Cela se lit dans son regard, cela se voit dans ses gestes. Pour nous qui l'interviewons, c'est du pur bonheur.
Patrick Volpes, Maître santonnier à Digne-les-Bains
Comment et pourquoi, à 17 ans, il décide de devenir santonnier
Patrick Volpes naît à Marseille en septembre 1959, dans un milieu relativement modeste.
À Noël, avec ses frères, il prend un immense plaisir à sortir les santons de leur boîte et à décorer la crèche avec un peu de mousse et des branches de pin ramassées dans la nature. Pour lui, cette tradition de Noël correspond à des moments empreints de magie.
A l’âge de 15 ans, il se rend compte qu’il souhaite travailler de ses mains, il griffonne, bricole et décide finalement de reproduire en maquette, la maison de ses grands-parents.
Son grand-père est décédé il y a peu et il pense que sa « maison du bonheur » va disparaître ; alors, il veut garder en mémoire tous les détails, pour y pénétrer quand bon lui semble.
Sans doute voit-il dans cet ouvrage fait d’allumettes, de carton et de bouchons de dentifrice, une sorte de réalité virtuelle propre à son époque et il prend un plaisir fou à réaliser sa miniature.
En 1976, il crée son premier personnage en argile, une représentation de son grand-père, puis crée sa propre crèche. Cette réalisation est, de son propre aveu, particulièrement naïve.
Pourtant, sa crèche lui vaut le 1er prix du concours de crèche local, prix d’honneur remis par Marcel Carbonel, considéré comme le plus grand santonnier de Provence. Pour lui, me dira-t-il, « c’est le bon dieu qui lui donne l’absolution . » Il décide de devenir santonnier.
De la cave de la maison familiale à l’atelier de Champtercier
Après un BTS en tourisme bilingue pour rassurer ses parents, Patrick Volpes s’inscrit à la chambre des métiers et débute son activité dans la cave de la veille maison familiale. Il y restera huit ans.
En 1988, il se déclare artisan et se rend à Champtercier pour la foire annuelle aux santons, organisée par l’instituteur du village. A l’époque, la localité est plus rustique que maintenant mais Annie, son épouse, sent intuitivement qu’une nouvelle vie les attend en ces lieux.
Le 3 juillet 1988, il ouvre son atelier dans la classe de l’ancienne école municipale. Il en occupera ensuite le préau, transformé en boutique-atelier.
Santonnier autodidacte, Patrick Volpes revendique son statut ; pour lui, son cœur s’exprime à travers son métier, ce métier qui touche à l’histoire, à la sculpture et la peinture. En dépit des difficultés inhérentes à la profession d’artiste, la création de santons reste son éternelle passion.
Aujourd’hui, à soixante ans, l’artisan n’a de cesse de partager cette passion et son expérience, au travers de salons, d’ateliers ou de stages. Pour celui qui un jour a travaillé pour l’hôtel Martinez à Cannes et pour des stars de cinéma, la richesse des rencontres n’a pas de prix.
Les santons : une tradition et une image de Noël très symbolique pour les Provençaux
En 1789, lors de la révolution française, les messes de minuit sont interdites ; Marseille résiste et remplace les grandes scènes représentant la naissance de Jésus par de petits personnages. Les « petits saints », les santouns, sont tolérés.
C’est Jean-louis Lagnel, sculpteur et platrier de métier, qui crée le premier santon d’argile en 1797. C’est lui aussi qui popularise cette tradition, en représentant les gens du peuple dans leur vie quotidienne, les paysans et les artisans.
Au centre de la crèche provençale, la tradition veut que l’on place les gens du peuple ; les personnages de la nativité sont installés à gauche, signifiant que l’aspect religieux est secondaire. Le plus important reste la mise en valeur de la Provence et de ses habitants.
Pour Patrick Volpes, « la crèche provençale, on peut la faire partout car ce n’est pas religieux : Jésus est un élément de l’Histoire mais c’est pas vu comme divin. (…) On fête la naissance d’un enfant. Il faut garder ce symbole-là, le reste c’est personnel. Il ne faut pas tout mélanger. »
Il existe autant de styles de santons que de santonniers. Certains collectionneurs ne collectionnent d’ailleurs qu’un modèle de santons mais de tous les santonniers, comme par exemple le tambourinaire.
En outre, derrière les santons de Provence se cachent de précieux symboles.
Ainsi, le berger, le guide des brebis, n’est autre que celui des hommes ; c’est la raison pour laquelle il occupe le devant de la crèche provençale. Ensuite, le pâtre, qui se charge des brebis égarées ou fatiguées. Symbolique, pas vrai ?
Quant au berger endormi, c’est le monde des athées : il n’a rien entendu de la bonne nouvelle, tout était terminé lorsqu’il s’est réveillé et il a continué sa vie sans savoir ce qui c’était passé. C’est l’incrédule.
Parmi les personnages symboliques des santons de Provence, il ne faut pas oublier le pêcheur et la poissonnière de Marseille, ni le fada , c’est à dire l’envoyé des fées, celui qui est le plus proche de Dieu.
Puis il y a les personnages préférés de l’artiste : Pierre Gassendi, le prêtre, philosophe et astronome de Champtercier, à qui il a voulu rendre hommage, ou Alexandra David-Néel, célèbre habitante de Digne-les-Bains, écrivaine et exploratrice.
Les étapes de la fabrication d’un santon
La fabrication d’un santon passe par 7 étapes : le modelage de l’argile, le moulage en plâtre, le démoulage et le sceau, l’ébavure, la cuisson pendant 12 heures à 1000 degrés, le séchage et enfin la peinture, à la main.
Où découvrir les santons de Patrick Volpes ?
Santons-passion, 5 rue du Pountin, à Champtercier, Digne-les-Bains
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